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Ados connectés : le confinement nous aurait-il définitivement fait perdre la bataille ?

Dernière mise à jour : 17 juin 2020


On ne va pas se le cacher, c’était déjà difficile avant le confinement, mais là...

Pour les télétravailleurs confinés, les écrans ont gommé les limites entre les sphères personnelles et professionnelles. Pour les ados confinés, les écrans ont gommé toutes les frontières entre le travail et le jeu, entre l’éducatif et le divertissement. Bref, entre le bien et le mal !


Assister à un cours et entretenir le chat du « groupe classe ». Écouter son professeur ET son youtubeur fétiche. Le stylo d’un côté, la manette de l’autre…

Même les blagues de salles de classe ont évolué. Et à une telle vitesse qu’on peut être rassurés sur la créativité et l’inventivité de nos rejetons… Fermer les micros des uns et des autres en visio, éjecter le professeur de la réunion, introduire diverses perturbations sonores passablement anonymes… Et surtout, surtout, raconter ensuite tout ça sur les réseaux sociaux.

La compétition a changé de dimension : c’est à celui qui aura fait le détournement le plus drôle de Teams ou de Zoom. Ça change du chewing-gum collé sur une chaise ou des dessins salaces sur un tableau noir.


Quand le parent passe une tête dans la pièce, l’excuse n’a même plus besoin d’être une excuse : « Je suis en cours de français ! ». Et le parent referme la porte, avec la vague sensation de se faire avoir, mais aussi la conviction floue que toute intervention pourrait remettre en cause l’avenir brillant de son collégien et l’intégralité de sa future carrière.

Enfin, après des heures passées derrière l’ordinateur pour les cours, une pause est bien méritée. Allons donc se perdre sur YouTube, Fortnite ou Netflix ! « J’ai presque pas fait d’écran aujourd’hui ». Euh…si…


Au final, pendant cette période, les ados les plus privilégiés auront vécu « leur meilleure vie ». L’autorisation officielle de ne pas bouger et de rester derrière un écran.

On sent bien que leur consommation est beaucoup trop importante. Avant le confinement, déjà, les études évaluaient le temps passé sur écrans des moins de 20 ans de 5 à…10h par jour !! Même si les réalités diffèrent entre les foyers et les individus, la tendance reste à l’auto-greffe du téléphone portable et/ou de la manette de jeu.

Difficile de séparer le temps de travail du temps de perdition sur Instagram, d’appliquer toutes les règles potentiellement érigées auparavant - limitation des téléphones, de la wifi, utilisation des outils uniquement dans l’espace partagé, etc… Sauf à être tout le temps derrière eux, ce qui n’est pas non plus la meilleure façon de les mettre sur la voie de l’autonomie et de la responsabilisation.

D’autant plus qu’un ado sans écran et sans possibilité de sortir est un ado dont il faut gérer humeurs et ennui au-delà de sa « moyenne » habituelle. Ce qui n’aide pas pour (télé)travailler sereinement

Alors comment combattre ?


Autant laisser faire ?

Même les scientifiques, médecins, experts le conseillent sur les différents média « Lâchez prise ! Ne rajoutez pas de stress là où il y en a déjà beaucoup. Laissez les adolescents gérer leurs écrans pendant cette période. »

Oui mais la période est longue, les habitudes commencent à s’ancrer, les réflexes à s’installer. Et il est clair qu’il sera encore plus difficile de revenir en arrière quand la situation reviendra à la normale, si elle y revient !

Et les conséquences ne sont pas anodines.


Pour le corps d’abord ! Ils ont mal à la tête en fin de journée ? Mal aux yeux ? Comme nous après une journée vissés derrière nos ordinateurs. Sauf qu’eux sont en pleine croissance. Sans compter les impacts d’un sommeil de moins bonne qualité. Au-delà de la lumière bleue qui perturbe la production de mélatonine et donc la régulation des rythmes chronobiologiques, nos adolescents gavés d’écran se trouvent dans un état de vigilance accrue. Ils ne dorment plus du doux sommeil des prédateurs, mais de celui des proies : jamais vraiment tranquillement car toujours à l’affût des sollicitations et des notifications.


Pour l’esprit aussi. Difficile de trouver une occupation « autre ». Non pas parce qu’il n’y en a pas, mais parce que c’est si difficile de s’y mettre ! Pour la simple et bonne raison que le cerveau est un feignant et qu’il va toujours choisir la voie de la facilité. L’adolescent à la base reste globalement une chose difficile à mouvoir, mais là, on peut craindre la perte de toute capacité à fournir un effort. Un livre, un dessin, une création, une production, un jeu de société ? Cela demande de l’énergie, de l’imagination, de la coordination en milieu réel. Des phrases un poil plus élaborées que « F*** il m’a KS » (" KS : Acronyme de l'expression anglaise "Kill Steal/Stealing" signifiant littéralement le fait de "voler une mort". C'est-à-dire donner le coup de grâce à un adversaire ayant été largement déjà blessé par un autre joueur afin de bénéficier indûment de la victoire ». Crédit : jeuxvidéo.com !)

Bref toutes ces choses que les écrans facilitent à l’extrême.


Plus désespérant : nos ados croient vraiment qu’ils peuvent faire deux choses en même temps. Voire... ne pas faire deux choses en même temps devient presqu’angoissant, car le temps n’est pas suffisamment optimisé ! Même si cette « optimisation » se résume à regarder le dernier post d'une des soeurs Kardashian ou la vidéo du chien de Squeezie….

Comme nous, vous me direz ? Oui, tout à fait. Mais 1. Nous nous méprenons grandement sur notre capacité à être multi-tâche. 2. Eux en sont encore au stade des apprentissages, et le multi-tâche n’est pas vraiment la clé de la qualité. Il est légitime de se demander si nous ne leur transmettons pas un comportement profondément toxique.


Car non, non et toujours non !

Homme ou femme, digital native ou pas, l’attention est exclusive.

Le cerveau n’a pas soudainement opéré une révolution neurologique ces 20 dernières années, il est bien trop vieux, bien trop lent dans son évolution !

Face à deux tâches similaires, nécessitant toutes les deux de l’attention, le cerveau doit choisir, doit alterner, mais en aucun cas il ne peut faire les deux. Alors les deux tâches ne seront pas menées ou mémorisées aussi efficacement que si le cerveau n’avait eu qu’une seule mission. Et c’est ainsi que la concentration se limite à quelques minutes, jusqu’à la prochaine vibration du téléphone, ce qui est totalement insuffisant pour trouver une solution en maths ou mémoriser une définition majeure.

S’il est besoin de vous le rappeler, les grands patrons de la Silicon Valley se sont appliqués à mettre leurs rejetons dans des écoles « no screen » parce que c’est bien trop dangereux pour le cerveau toutes ces trucs-là….


Alors comment ne pas s’y perdre ?


Comment agir face à un outil qui est une cause de réussite ET d’échec ? Qui est aussi indispensable que futile ? Aussi performant que dangereux ?


Des dissonances cognitives imparables, pour eux comme pour nous

Pas de miracle, il s’agit d’éduquer pour limiter au maximum les dangers en autorisant la prise de risque.

  1. Déjà ne pas culpabiliser, nous, parents. Tous les éléments se liguent contre notre bonne volonté. Et ce sont des éléments puissants, qui nous dépassent largement. On fait bien ce qu’on peut.

  2. Cela parait bateau, mais en parler avec eux. En dehors des conflits ou des réprimandes. En parler de façon apaisée, parce qu’on est tous logés à la même enseigne. Et rien que ça, c’est important de le dire.  L’essentiel est qu’on les aide à identifier les moments d’écrans actifs et ceux qui sont passifs. Les contenus qui font bouger leurs neurones et ceux qui viennent les ramollir. Les informations qu’il faut enregistrer et celles qu’on peut laisser passer. Il faut leur donner les clés pour hiérarchiser et pour compartimenter. Cela ne changera pas forcément leurs comportements mais si l’information passe, la prise de conscience commence. Et puis patiemment, quotidiennement, transmettre l’idée que, pour les choses importantes ou qu’on apprécie, c’est « une chose à la fois ». Le multi-tâche ne peut concerner que des activités légères, qui peuvent supporter une attention relâchée. Un travail qui ne nous fera pas de mal, non plus…

  3. Militer contre la dictature de l’immédiateté. Non, le monde ne va pas s’arrêter si Inès ne reçoit pas une réponse dans la seconde. Et non, nous parents, ne sommes pas disponibles dès que le besoin se fait sentir. Il est nécessaire d’apaiser l’angoisse générée par cette croyance : « si je ne réponds pas immédiatement, ça signifie que je n’aime pas l’autre, et que je ne serai pas aimé.e en retour » (saluons ici le travail formidable produit par les « flammes » de Snapchat. Ceux qui les ont vécu, savent !).  

  4. Tenter de faire des activités non connectées avec eux mais ne pas vouloir le faire tout le temps, constamment, et ne le faire que sur des activités qui nous font plaisir. Sinon, ce sera trop difficile et tout le monde va s’épuiser au combat. Et pour que tout le monde y gagne, pourquoi ne pas essayer de faire une ½ journée sans écran pour toute la famille une fois de temps en temps ? Ou, soyons dingue, 1 journée entière 

  5. Enfin, et c’est certainement le plus intéressant pour eux : plutôt que de déployer une énergie folle à tenter de les faire venir vers nous, aller plutôt vers eux ! Les parents gamers l’ont bien compris. Les autres, sachez qu’il y a tout un aspect de votre enfant à découvrir.  Et vous serez étonné de voir combien il sera heureux de pouvoir partager son monde, ses goûts, ses anecdotes. Combien il se sentira valorisé. Quel est son skin préféré sur Fortnite (et « qu’est-ce donc qu’un skin ? »), pourquoi a-t-il choisi cet avatar, ce pseudo ? Avec qui joue-t-il ? Quel est son niveau ? Où est-il le meilleur ? Quel youtubeur ils préfèrent ? Qui suivent-ils sur Insta ? Le post (montrable à ses parents) qui a reçu le plus de likes ? Les vidéos qui les font les plus rire ? Vous pourrez donner votre avis, voire émettre un jugement, mais vous le ferez en toute connaissance de cause, et vous pourrez même découvrir des choses intéressantes… Et pourquoi ne pas aller jusqu’à prendre part à leur monde ? Se laisser mettre en scène sur une vidéo Tik Tok. Choisir son filtre préféré sur Snap. Se faire laminer sur League of Legend. Trouver une série qui convient à tout le monde et ne la regarder qu’en famille, sur l’écran du salon.

Partager des choses sur un écran, c’est déjà partager. Et ça créé  l’intimité et c’est bien ça qu’il ne faut pas perdre.

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